Hypnose et anesthésie loco-régionale
On pense trop souvent à l’hypnose en anesthésie comme à une procédure d’analgésie qui vient remplacer une autre méthode alors qu’elle est avant tout un adjuvant toujours disponible, sans effet secondaire. L’hypnose n’est pas un processus de type « on-off » mais une approche polymorphe, souple et dynamique. Qu’il s’agisse d’hypnose formelle ou informelle, elle est un allié utile et efficace dans de nombreuses circonstances, dont en particulier : l’anesthésie loco-régionale.
Il existe des circonstances particulières ou des techniques qui modifient notre façon d’être conscient au monde. Ces processus, sont qualifiés d’hypnotiques. Ils sont initiés par la focalisation de notre attention et l’une des conséquences est de rendre le sujet très sensibles aux suggestions qui lui sont faites. L’observation ou l’obtention d’un tel état permet au médecin anesthésiste de délivrer lors des suggestions en rapport avec son objectif de soin. Dans le cadre de l’anesthésie locorégionale, des suggestions de confort, d’analgésie et de facilité peuvent ainsi être dispensées et aider à la réalisation de l’anesthésie. Parallèlement pendant toute la réalisation de l’anesthésie l’hypnose permet de focaliser l’attention du sujet sur des éléments neutres ou agréables choisis par le patient ou le médecin. Tout est rendu plus facile par des techniques simples qui évitent le recours à des médicaments.
En 2015, une enquête de santé publique réalisée par l’institut Curie révèle que 72% de la population française entre 18 et 65 ans est favorable à l’introduction de médecines dites alternatives. Au sein de celles-ci, l’hypnose connait un développement sans précédent depuis quelques années en raison des nombreux travaux scientifiques permettant de l’inscrire dans une double dimension à la fois humaine et scientifique. Dans le cadre de l’anesthésie loco-régionale, le patient est conscient ; quelques connaissances en hypnose permettent d’optimiser la prise en charge.
Les mécanismes fonctionnels de la conscience critique
L’hypnose est un processus physiologique naturel et dynamique. S’intéresser à l’hypnose, c’est s’intéresser aux mécanismes fonctionnels de la conscience. Ils sont actuellement décrits comme résultant d’un fonctionnement en réseau avec une riche inter-connectivité objectivée en imagerie cérébrale fonctionnelle. Le mécanisme fonctionnel de la conscience retenu met en jeu trois réseaux distincts :
Le premier réseau est le réseau « de la saillance » :
Il sélectionne les stimuli sensoriels pertinents en effectuant un travail de hiérarchisation entre les différentes informations sensorielles perçues. Il va ensuite coordonner les deux autres réseaux. Il est notamment impliqué dans la gestion de l’attention (cingulaire antérieur) des émotions (insula) et en particulier de la douleur, dans sa part émotionnelle et s’implique également dans les relations sociales du sujet. Il prépare à la fuite ou au combat.
Le second réseau est le réseau « mode par défaut » :
Défini par les neuroscientifiques quand le sujet ne fait rien, c’est à dire un sujet éveillé au repos, absorbé dans ses pensées, son imaginaire ; ce réseau permet de prendre conscience de soi par rapport à son environnement en modulant notamment les activités du précunéus et du cingulaire postérieur.
Le troisième réseau est « le réseau central exécutif » :
Le réseau de la raison, qui permet d’être dans le contrôle, d’avoir un esprit critique, de déclencher l’action.
Les informations sensorielles issues de notre environnement participent pleinement au fait que nous soyons conscients. Notre conscience est donc avant tout sensorielle. En moins de 50 millisecondes, les stimuli sensoriels (visuels, auditifs…) sont captées, filtrées puis les plus pertinents sont sélectionnées par le réseau de la saillance. Ces informations sensorielles sont, dans un second temps, intégrées par le réseau mode par défaut. Dans un troisième temps (au total environ 120 millisecondes) le réseau du Central Exécutif permet une analyse complète et plus juste de l’information de départ (amplifie ou inhibe ces informations et les met en mémoire de travail) ce qui prépare le sujet à l’action. C’est l’aboutissement de ce que l’on appelle la conscience critique qui permet de prendre des initiatives, des décisions et d’élaborer des stratégies ; c’est encore le mode de conscience qui permet la discussion, l’analyse, le jugement et la cognition, le monde de la raison. Avoir un esprit critique c’est donc globalement : recevoir des informations sensorielles de l’extérieur, les faire transiter par un filtre émotionnel puis les intégrer et enfin les analyser, les re-contextualiser. C’est un mode de contrôle du monde extérieur. [1]
La conscience hypnotique
La conscience critique ci-dessus décrite, peut se voir modifiée soit par certaines circonstances de la vie soit grâce à certaines techniques intégrées dans des procédures qui sont rassemblées sous le nom de « hypnose ». Un autre fonctionnement conscient peut se mettre en place qu’on qualifie de conscience hypnotique. Trois types de processus cérébraux sont alors en jeu.
Il existe tout d’abord des modifications des perceptions sensorielles traduites au niveau du réseau de la saillance, dans la plupart des cas, par une augmentation d’activité de la cingulaire antérieure. Ces modifications fonctionnelles expliquent la capacité de l’hypnose à modifier la perception de la douleur.
Le deuxième type de processus concerne la modulation de l’activité du réseau mode par défaut avec une modification voire une diminution relative de la perception et de la conscience de soi dans l’environnement, ce qui est particulièrement intéressant dans la gestion de l’anxiété générée par le contexte de soin.
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