Hypnose médicale : anesthésie et douleur
Hypnose pour certains gestes
1. Hypnose : un processus cérébral identifiable
Lors de l’étude d’un processus hypnotique par l’imagerie cérébrale, certaines structures semblent toujours impliquées. Il est ainsi rapporté des modifications fonctionnelles du cortex cingulaire antérieur, du précunéus et du cortex préfrontal dorso-latéral. Les auteurs s’accordent aussi sur la modification de l’inter-connectivité cérébrale notamment entre le cortex préfrontal dorso-latéral et le circuit de la salience. Le cortex préfrontal permet d’analyser une situation, de la contextualiser. Le circuit de la salience est impliqué dans la détection des informations de type végétatif, neuro-autonome ou émotionnel. Ce découplage entre le contrôle cognitif et les émotions est peut-être à la base de l’efficacité des protocoles d’hypnose. La mise en veille de nos capacités d’analyse permet d’augmenter notre suggestibilité. Cette particularité est recherchée, le travail de l’anesthésiste hypnotiseur étant dans un premier temps de mettre en place chez le patient des processus de type hypnotique, donc d’augmenter sa suggestibilité puis dans un deuxième de lui délivrer des suggestions en rapport avec les objectifs (analgésie, réhabilitation, confort…). D’autres modifications sont plus inconstantes, ce biais est sans doute dû aux différentes modalités de réalisation des séances (avec ou sans suggestions, avec ou sans objectif…). Il est donc difficile de parler d’une réelle « matrice cérébrale de l’hypnose ». [1][2][3]
2. Hypnose en anesthésie : un processus utile
Les grandes lignes du travail d’un anesthésiste sont :
- Le travail en consultation.
- La lutte contre l’anxiété du patient en consultation et au bloc opératoire.
- Le confort et de la sécurité du patient pendant l’anesthésie et la chirurgie.
- La réhabilitation.
En quoi l’hypnose peut-elle aider à remplir ces objectifs et pour quels gestes est-elle particulièrement utile ?
Pour répondre à cette question il est important de comprendre que l’hypnose n’est pas un état monomorphe présent ou absent. Il s’agit d’un processus polymorphe qui peut être initié avec différents « dosages ». Un parallélisme peut être établi avec l’anesthésie. En effet, en anesthésie, il est possible d’obtenir différents effets en fonction du dosage des produits employés, allant de la simple sédation au coma thérapeutique profond en passant par la sédation profonde. Les techniques employées en hypnose permettent la même subtilité. Cette souplesse justifie l’utilisation de l’hypnose ou plutôt de techniques hypnotiques dans un très grand nombre de situations cliniques et ainsi aider à la réalisation de nombreux gestes en anesthésie.
2.1 L’hypnose est une technique de communication
L’hypnose est une technique de communication qui utilise des outils relationnels, linguistiques, de focalisation et de dissociation de la conscience.
- 2.1.1. Intérêt des outils relationnels.
Quatre-vingt pour cent des personnes ayant reçu une initiation à l’hypnose, changent leur façon de communiquer en utilisant ce qui est appelée l’hypnose conversationnelle [4]. Les outils relationnels sont les mêmes que ceux qui sont largement utilisés dans le monde du commerce et de la publicité pour améliorer les performances ; ces techniques rendent l’hypnose plus efficace que la simple empathie.
- 2.1.2. Intérêt des outils linguistiques.
Les mots utilisés pour communiquer modifient l’activité du cerveau, ainsi la simple utilisation de mots en rapport avec la douleur peut activer la matrice de la douleur [5]. L’hypnose utilise avant tout des outils de communication ; apprendre l’hypnose permet d’expérimenter l’impact des mots sur la conscience du sujet et par conséquent de modifier et d’adapter son langage en toute circonstance.
- 2.1.3. Intérêt des outils de distraction et de focalisation.
La focalisation de la conscience, sous la forme d’une distraction de l’attention, est plus efficace en termes de communication et de prise en charge des émotions que la réassurance des proches [6]. L’hypnose permet de mieux communiquer, donc de mieux expliquer.
2.2 Action sur l’anxiété
L’anxiété face à une intervention est une manifestation commune. Les sujets opérés sont en moyenne 20 % plus anxieux que la population générale avec une anxiété détectée chez 40 % des patients. Cette anxiété peut avoir des conséquences non seulement d’ordre psychologique mais aussi somatiques. L’anxiété péri-opératoire est diminuée par l’hypnose. La comparaison à J1, J10 et J30 de l’anxiété de deux groupes de patients ayant une thyroïdectomie : un groupe « AG » versus un groupe « Hypnose », objective une diminution significative de l’anxiété dans le groupe « Hypnose » [7].
À la lecture de ces résultats, les deux questions suivantes se posent : est-ce l’hypnose qui diminue significativement l’anxiété ou est-ce l’anesthésie générale qui est anxiogène ? Que se passe-t-il lorsque l’hypnose est comparée à une technique réputée non anxiogène ? Une étude compare le confort de deux groupes de patients devant subir une intervention de chirurgie mineure : un groupe sous diazanalgésie consciente, un autre sous hypnose. Le groupe hypnose s’avère beaucoup plus confortable et moins anxieux. Une autre étude compare l’efficacité de l’hypnose à celle de techniques de relaxation. Deux groupes de 30 patients victimes de brûlures touchant 25 % de la surface corporelle ont des pansements quotidiens pendant au moins 14 jours. Un groupe bénéficie de techniques de relaxation classique alors que les patients de l’autre groupe sont en transe hypnotique pendant les pansements. Il apparaît une réduction significative de l’anxiété avant, pendant et également après les pansements dans le groupe hypnose en comparaison avec le groupe relaxation [8]. Des différences entre de simples techniques de relaxation et l’hypnose sont également retrouvées dans le cadre de la lutte contre la douleur chronique. L’anxiété à l’entrée et à la sortie du bloc opératoire est diminuée chez des sujets ayant bénéficié d’une prise en charge hypnotique préopératoire. Enfin, la réduction de l’anxiété préopératoire est également objectivée chez les enfants [9].
Il est donc clair que l’hypnose présente un intérêt dans la prévention de l’anxiété péri opératoire. Ces études confortent l’impression clinique. Une caractéristique de la transe étant le confort : c’est habituellement très agréable d’être en transe. L’activité consciente se réduit, comme si notre esprit se mettait au repos. Le sujet a alors tendance à s’immobiliser et il existe souvent un ralentissement et une régulation respiratoire et cardiaque.